On ne peux qu’être amoureux de la Turquie. C’est un pays vaste et tranquille, haut en contrastes et infiniment riche. Berceau de l’humanité tant que l’on voudra, c’est aussi le lieu de convergence de toutes les confessions. La tolérance s’y hume. L’intelligence s’y exprime. La poésie et la sensibilité en font foi. Là-bas, tout semble subtil. Sauf les sensations. La lumière est comme nulle part ailleurs.
Le pays, c’est autre chose qu’Istanbul. Nous avons osé Antalya à l’arrivée et n’avons pas été déçus. D’accord, j’avoue que visiter la Turquie au mois d’août n’est pas l’idée du siècle, à cause de la chaleur extrême (+de 40 degrés à l’ombre) mais au moins, ce n’était pas bondé de touristes, c’est à dire; nos semblables! La vieille ville d’Antalya vaut en elle-même son détour avec ses dédales de rues, ses chiens et ses chats errants. On s’y perd et puis on finit par s’y retrouver. On a découvert des petites anses où nous baigner, des restos sympa et pas chers (quoiqu’en disent les français que nous avons rencontrés?!). La promenade le long du parc est très romantique à la nuit tombée, ponctuée des chants du muezzin et des appels du vendeur de glace.
En fait de chaleur, on se demande vraiment si on pourra s’y faire, une fois que les portes de l’avion s’ouvrent. Merde ! on se croirait dans un four à «broil» ou devant un séchoir à cheveux lorsqu’il y a un peu de vent. On boit de l’eau, beaucoup d’eau…Rassurez-vous, on ne la sue pas, les liquides s’évaporent au fur et à mesure! On s’occupe plutôt à chercher à se mettre au frais, coûte que coûte et alterner entre les visites de ruines et les baignades…Comme ça tombe bien; le pays offre généreusement mer et montagne. Me suis baignée dans une rivière froide avant de me régaler d’une excellente truite dans un petit salon à ciel ouvert encore pleine des échos de ce splendide Aspendos, merveilleusement bien conservé et presque aussi spectaculaire que El Djem en Tunisie…
Je n’ai pas pu voir le musée à Antalya, même si on s’est repris à deux fois. Un problème électrique à l’origine d’une fermeture inopinée des lieux nous a empêchés de voir le musée une première fois et on l’a irrémédiablement raté puisqu’il était fermé le jour de notre départ (un lundi). Disons que notre guide nous avait mal renseigné (celui en chair et en os, pas le livre).
Il est plus qu’aisé là-bas d’engager un guide pour une, ou plusieurs excursion- journée. Il y a des «agences de voyage» un peu partout. Je ne recommanderais pas nécessairement celui avec lequel nous avons fait affaire, mais ça, c’est une autre histoire. Pour faire bref, il faut «magasiner» ferme et s’entendre précisément sur les termes au préalable. Élémentaire cher Watson mais pas toujours évident.
Je n’oublierai jamais ce vieil homme, attablé seul, savourant son raki, qui fredonnait les paroles des chansons traditionnelles que l’orchestre «live» jouait. C’est toute son âme qui jaillissait de son filet de voix. Les musiciens, attentifs, le laissaient chanter, abaissant le volume de leurs instruments en lui laissant l’espace nécessaire entre les silences et la mélodie. Un précieux mélange de bouzouki et de complainte slave, des chansons d’amour assurément - merveilleux!
Mon coup de cœur; Chimera, (à Çirali, près d’Olympos) visité le soir…Les flammes éternelles y brûlent depuis des centaines et des centaines d’années (voire des millénaires) et les mythologies vont bon train. Dragon, Chimère, Pégase et histoires à dormir debout nous attendent après une longue ascension (que dire de la descente dans la nuit noire!). Que de fascination devant ces pierres léchées par les flammes bleues qui courent le long des failles. Çirali, c’est le «coin du banc» de la Turquie. Ce genre d’endroit que l’on voudrait imprenable et secret pour toujours. Les plages sont relativement désertes et les pansyions toutes plus charmantes les unes que les autres. Au beau milieu des poules (non, je n’ai pas visité de ferme et je n’ai pas l’intention d’en visiter d’ici 40 jours), et surtout des coqs très matinaux! Olympos est définitivement à éviter pour séjourner (parce que sinon le site est lui aussi fabuleux), trop de gens, trop de bruit, trop de trop.
La plus belle plage? J’hésite entre Çirali et Patara…Si la première est sauvage, la deuxième est telle que sur les cartes postales mais j’ai surtout apprécié cette baignade fantastique près de l’île de Kekova durant laquelle j’ai pu observer une femme et ses enfants qui chargeaient leur chaloupe de bois pour le chauffage et la cuisson. On saute directement du bateau dans cette eau limpide aux reflets turquoise. Il est saisissant d’apercevoir les tombes disséminées le long des berges, les amphores enfouies sous l’eau et les vestiges d’habitations qui se prolongent de la terre à la mer.
La bibliothèque de Celsius, Éphèse
J’ai savouré chaque instant de cette tombée du jour sur la terrasse du toit de cette pansyion à Selçuk où la propriétaire nous attendait avec l’apéro en nous pressant pour que l’on ne rate pas ce coucher de soleil avec le chant des muezzins, sa vue imprenable sur la ville.
Le routard nous a bien conseillé; on a visité Éphèse en fin d’après-midi (avec un guide qui parlait français). Nous nous trouvions presque seuls sur ce site qui peut accueillir des marées de visiteurs durant le jour et particulièrement envahi en matinée par les bateaux de croisière qui se déversent à coup de deux trois milles personnes à la fois.
En Cappadoce, ai déjeuné les pieds dans l’eau, au terme d’une longue marche, au creux de gorges de la «Lovevalley». Ce jour-là avait débuté avec la descente de huit étages d’une ville souterraine (clostros s’abstenir) qui a, à son apogée, accueilli en ses antres jusqu’à dix mille personnes, ainsi que du bétail. Il y faisait très sombre et les passages étroits (à peine de quoi passer les épaules en s’accroupissant) ne permettent que de se déplacer dans une direction à la fois. Dédales qui menacent de nous tenir prisonniers puisqu’en cas d’urgence une seule voie est praticable.
La fraîcheur des cavernes est impressionnante. Tout comme l’était notre chambre troglodyte. À bas la clim! Juste ce qu’il faut de frais pour dormir comme des bébés. Je recommande d’ailleurs Elkep Evi à Urgup (http://www.elkepevi.com), le personnel est adorable (ils nous ont préparé des cafés turcs, toujours avec amabilité), la vue est spectaculaire et le petit déj copieux – ai adoré les crêpes!
J’ai aussi vu des guides s’adosser à des fresques dans les chapelles en Cappadoce. Des jeunes gens tentant d’éteindre les flammes à Chimera, des touristes grimper sur des ruines qui datent de l’antiquité. Des touristes irrespectueux ou inconscients qui utilisent tout de même leur flashes, à l’encontre du bon sens…
Me suis réveillée à l’aube (les vacances c’est fatiguant! – d’ailleurs j’ai été en déficit de sommeil pendant six semaines et je récupère à peine!), ils viennent nous cueillir à 5h du mat., pour cette aventure en montgolfière au dessus des vallées entre Gorëme et Ürgup avec Kapadokya ballons (http://www.kapadokyaballoons.com). Ils sont les plus chers (je crois) mais les plus expérimentés (ils ont été les premiers à s’établir là-bas) En finale, ils nous attendaient à l’arrivée avec du champagne et des petites surprises. Une équipe du tonnerre, des images inoubliables. Presque aussi grisant qu’un décollage en avion, beaucoup plus spectaculaire. Le silence de l’aube entrecoupé du bruissement de la toile et des coups de brûleur annonçant la prochaine montée…et l’immensité de l’étendue demeurent des moments inoubliables.
Ce matin-là, une autre compagnie a dû atterrir précipitamment dans une zone éloignée des sentiers (probablement par mauvais calcul de quantité de carburant), situation qui ne s’est pas avérée catastrophique mais le chemin qu’ils ont du faire à pied (vu d’en haut), semblait long, très très long.
Le hammam d’Ürgup est tout à fait typique et les habitants du village hyper accueillants. Je n’ai pas trop été attirée par Gorëme, encore là, il me semblait que les alentours étaient trop aménagés pour et par une clientèle Européanisée.
J’ai dû laisser tomber Pammukale…par manque de temps. Et Istanbul pour les mêmes raisons. Décidément il faudra que je retourne là-bas. Quel grand, noble et somptueux pays! Je voudrais bien me rendre le long de la mer noire et tout de même aller à Konya explorer cette ville spirituelle par excellence (derviches et rumis).
Le plus beau dans tout cela est sans contredit les rencontres, qu’elles soient fortuites ou non, que l’on fait. Le facteur humain tout comme le facteur cheval postent des cailloux dans l’imaginaire et nous donnent le courage d’aspirer à bâtir toutes les cathédrales. Les utopiques surtout.
On a bien ri quand on a pu, nous aussi prononcer un «gülé gülé», qu’il n’est possible de prononcer qu’à ceux qui s’en vont et comme les voyages, par définition font de nous des «partants», pas facile de le placer dans la fin de la conversation! Le turc n’est pas si facile mais on est récompensés quand on essaie.
Ces regards croisés, ces ressources partagées, ces petits riens quand on en a bien besoin qui nous lient à une humanité peut-être supérieure à celle qu’il nous est donnée d’entrevoir parfois dans la vie courante. En fait, cette intensité est vitale.