samedi 9 avril 2011

Pardon, réhabilitation, censure et malaise

Que veulent dire exactement pardon et réhabilitation? Est-ce faire tabula rasa des faits d'histoire qui ont marqué profondément l'imaginaire des gens? Est-ce que ça veut dire, être capable d'avoir une bonne pensée pour qui a commis des gestes irréparables et fortement répréhensibles?
En ce moment, Cantat fait parler de lui sur tous les continents.
Mme Lorraine Pintal (directrice du théâtre le TNM à Montréal) a affirmé en conférence de presse être contre la censure. Quelle idée! Qui serait pour? Sauf que. L'auto-censure, la mesure, la réflexion sont aussi souhaitables dans une monde de plus en plus mené par les succès des pervers narcissiques.
Drôle de semaine. La parution du livre d'une journaliste (Geneviève St-Germain) qui soulève apparemment la question des problèmes liés à une sur-valorisation du rôle tenu par les gens qui sont sous les projecteurs. Les médias (et principalement ce que nous en faisons) contribuent à façonner des monstres et/ou des gens qui n'ont plus aucune mesure de ce qui est «acceptable» dans les rapports et les comportements des humains entre eux.
Je me demande, à quoi peut bien penser quelqu'un qui a l'idée de demander à Bertrand Cantat de prendre part à un spectacle dont le titre (ne serait-ce que) porte le mot «femmes». Ce goût de la provocation n'a rien de constructif et c'est un flash de metteur en scène qui aurait dû rester dans la théorie. Ce n'est certainement pas en voulant forcer les gens à admettre de nouveau cet individu dans la vie publique que ça pourrait résoudre quelque problème en soi.
Je veux bien qu'il se réhabilite (ne serait-ce que pour éviter qu'il en tue d'autre) mais de là à aller l'applaudir? Jamais. À mon avis, admettre que certaines personnes auront toujours du mal à se faire à l'idée qu'un crime aussi barbare ait pu être commis fait partie aussi de la réhabilitation. L'enjeu ultime de toute cette controverse est de se demander s'il est acceptable qu'une telle personne désire poursuivre une carrière publique.
À mon avis il devrait changer de métier, faire autre chose. Planter des fleurs, semer des carottes. À mon humble avis, son métier de chanteur a contribué a dynamiser sa violence (déjà là, probablement). Ça prend des nerfs très solides et une très grande maturité pour être adulé, pris pour un Dieu, chouchouté et mener une vie de rock'n'roll. Tous et toutes n'y parviennent pas et beaucoup en meurent. (overdose, dépression...etc.). La plupart du temps, cette violence est retournée contre soi. Mais pas toujours. En disposant de la sorte de la vie de cette femme, Cantat, auto-déifié, est allé au bout de sa démesure.
Comme le disent si bien Lio et Michel Blanc (dans une sortie de Lio en 2006), l'amour passionnel ne peut excuser la violence. J'ajouterais, pas plus que le statut d'artiste ne peut expliquer quoi que ce soit, pas plus que d'imposer, de forcer le passage d'un «pardon» quel qu'il soit, pour qui que ce soit. Ça aussi me fait violence parce que mes limites ne sont pas respectées. Au nom du dégoût de la censure on a du mal à admettre les limites. Limites pour soi et pour les autres. Je crois profondément que tout ne peux pas être dit, et qu'il est loin d'être souhaitable qu'il en soit ainsi. Je crois en une forme d'auto discipline qui viserait à réfléchir plus qu'agir. Je n'aime pas que l'on tente de me convaincre qu'il est temps de passer à autre chose. Parfois, ça prend le temps que ça prend et ce temps n'est pas le même pour chacun. Je ne veux pas entrer davantage dans les détails de cette histoire mais 4-5-6 ans de peine pour un assassin pour moi, c'est vraiment trop peu.
Quels que soient les mots et les mélodies des artistes qui ont posé des gestes avec lesquels je suis en complet désaccord et qui me sont pénibles à accepter, ils auront toujours un goût amer. Et même si j'avais aimé les musiques de cet homme ou de son groupe «avant» les évènements, je ne peux qu'éprouver un malaise, quel que soit son «talent». Il me semble que c'est tellement normal et tellement sain et que le contraire le serait vraiment moins.


mardi 8 mars 2011

Anonymat

Je me questionne pas mal sur l'anonymat ces jours-ci. Cet article et ces vagues sur les commentaires et twitts partisans me laisse perplexe.
Comprenons que j'ai choisi d'écrire de manière anonyme en cet endroit. Je twitte également anonyme. Mais anonyme est un bien grand mot. Il demeure, que malgré les apparences, je suis une personne réelle, pas un robot. Ce qui me différencie? J'ai choisi un pseudonyme.
Je l'ai choisi parce que l'anonymat reste, me semble-t-il, un des dernier rempart d'une société responsable dans laquelle j'aimerais croire que les gens ont une éthique personnelle qui rejoint le respect des collectivités. Également, je résiste à l'apologie de l'individu et au développement des égos démesurés qui sont légion hors et sur le Web.
J'aimerais croire que des pensées et commentaires qui ne sont pas liés à une personnalité connue, médiatisée, reconnue, puissent être entendus. Je dois admettre que le peu de commentaires laissés ici et le peu de feedback reçu commencent à me laisser penser que j'ai tort.
Peut-être. J'avoue éprouver une certaine latitude devant ce monologue. J'avais commencé à écrire dans le fol espoir d'obtenir des réactions, d'avoir des discussions.
D'accord, je ne fais pas facile: j'écris de longs billets (conseil no.1=faire court), j'écris sur un peu de tout et n'importe quoi (conseil no.2=se développer une niche), j'écris souvent sans inclure, sexe, Céline Dion, René Angelil, ou tout ce qui fait "vendre", ce qui attire, ce qui suscite la polémique, (conseil no.3= si vous vous entêtez à être anonyme, soyez au moins opportuniste.) je publie aléatoirement, de plus en plus rarement (conseil no.4=soyez assidus, constants)...
Bref, tant et aussi longtemps que je pourrai, je préfère me garder cette plage de possibilités. Parce que pour moi, c'est une forme de résistance à la rectitude, à ce qui devrait, aux obligations. J'essaie de ne pas tomber dans le piège de la facilité et maintenir une certaine forme de rigueur, dans le choix de sujets, dans le ton employé. Ce qui n'empêche, comme une personne identifiable, que je puisse avoir des coups de gueule. Je ne me réfugie pas dans cet anonymat, je m'y plais et j'y suis confortable et qui sait, si je suis ici, ça ne veut pas dire que je ne suis pas ailleurs?
Si je pouvais échanger là dessus, on causerait société sous surveillance, état policier, philosophie d'une société de méfiance, défiance et toutes ces choses qui n'intéressent peut-être pas grand monde mais qui existent.


jeudi 13 janvier 2011

À votre santé!

Ai eue l'occasion de fréquenter les hôpitaux et les cliniques de la ville de Montréal (Québec - Canada) ces dernières semaines et je demeure perplexe devant l'état du système et l'opinion publique.
On entend principalement des critiques et des railleries. D'emblée; un grand ménage devrait être fait et les ratés sont légion. Par ailleurs; j'ai été traitée avec respect, diligence et professionnalisme et ce, dès le départ.
L'évaluation. D'accord, on attend. Mais encore? Comment faire le tri entre une mauvaise grippe, une infection sérieuse et un cancer quand tous ces gens se présentent au même endroit au même moment? Avec un peu de patience et/ou un bon livre, dépendant du degré de souffrance, on finit par être entendus.
J'ai rencontré des médecins et des spécialistes tous très professionnels. D'accord, je ne me serait pas faite «amie» de tous et toutes mais il ne faudrait pas oublier qu'avant d'être des experts, ils sont eux-aussi humains. Il y en a avec qui on a des atomes crochus et d'autres pas. C'est la vraie vie, ce n'est pas FB...Et ça ne les empêche pas de faire leur travail. Il y a des bons et des moins bons mais je demeure persuadée qu'ils font de leur mieux dans les circonstances.
À partir du moment où on est identifié, ça roule et on déploie tout ce qui est possible de déployer pour soigner. J'ai rencontré des médecins qui ont fait des pieds et des mains, des infirmières dévouées et patientes. Beaucoup de sollicitude et d'humanité.
Loin de moi l'idée d'écrire que tout est parfait. Il y a beaucoup d'erreurs (souvent lourdes de conséquences) et les soit-disant compétences des nouvellement formés en inquiètent plus d'un.
Il y unanimité sur le sort des infirmières et le fait qu'elles devraient être autorisées à poser certains gestes ou à prescrire certains médicaments (celles qu'on appelle les super-infirmières). Pour désengorger les urgences, entre autres.
J'ai vu des spécialistes qui travaillaient tard le soir sans infirmière pour les assister parce qu'on leur interdit le temps supplémentaire en période de restriction budgétaire en attendant la fin de l'année fiscale pour ensuite offrir des bonus au début de l'année suivante...Illogique. J'ai vu des patients insupportables et des gens frustrés incapables d'admettre que leur bobo est peut-être un peu moins urgent que le bobo du voisin. La tolérance (point) à la douleur, sur une échelle de dix ne signifie pas chose égale pour tous.
Il y a des vieux qui meurent dans les corridors et des oubliés. Des gens seuls et des démunis qui ne savent plus exprimer leur douleur, leurs maux, parfois par pudeur, parfois par ignorance. Il y en a que la maladie accable et d'autres qui sont résignés.
Selon moi, on est malade comme on vit; il y a des patients malcommodes, des ronchonneux, des sceptiques, des parano et d'autres qui s'abandonnent aux traitements, qui font confiance et qui n'ont pas peur de poser des questions, des gentils et ceux qui ne perdent pas leur sens de l'humour.
Parce qu'au fond la maladie pose la question du qu'est-ce qu'un patient? Est-ce un objet inerte pétri d'attente? Victime de la maladie? Est-ce une personne qui s'intéresse à son propre cas et veut comprendre et participer à sa remise en santé ?
Dans la maladie on a des choix à faire: on peut s'apitoyer, se révolter, se battre, se questionner, faire des mises au point...Et si on en profitait pour réfléchir à tout cela en salle d'attente, on aurait peut-être l'impression que le temps est moins long.