mardi 26 octobre 2010
Ne jamais avoir d'attentes.
lundi 25 octobre 2010
Cohérence
samedi 23 octobre 2010
De choses et d'autres
dimanche 3 octobre 2010
Sans bruit
Il y a plus de vingt ans que j’habite sur le plateau Mont-Royal. Il est vrai que j’y suis arrivée d’abord par choix; parce que le logement (une coopérative d’habitation) était abordable et que je souhaitais m’établir dans un quartier, sur une rue, dans un logement pour longtemps et me faire un environnement sain, sécuritaire et paisible.
Mes voisins d’alors étaient des vieux, des jeunes, des artistes. Les vieux ne faisaient pas trop de bruit et assuraient une veille incomparable, ils recueillaient les chats errants et nourrissaient les moineaux. Les jeunes et les enfants jouaient dans la ruelle et les artistes tenaient parfois des fêtes d’où on pouvait entendre sonner de la musique.
Quelques vieux chars se stationnaient sur la rue, des «minounes» bringuebalantes et rouillées. Le quartier était tranquille et les jours se passaient sans trop de heurts.
Un jour, une vielle est morte en face. Son duplex s’est vendu 59 000. Je l’aurais bien acheté mais je n’en avais pas les moyens. Puis une autre est décédée à côté. Les nouveaux voisins sont débarqués avec plein de projets en tête, notamment de tout rénover. Pendant des semaines et des semaines ils ont scié, arraché, jeté, abattu, démoli… et reconstruit.
Ça a donné l’idée aux autres. Les hangars (véritables soi-disant «niques» à feu, comme on disait en Québécois) ont été démolis. Pour faire place à des rallonges.
Alors les voisins; ceux au sud, ceux au nord et ceux à l’est ainsi qu’à l’ouest ont eux envie eux aussi d’agrandir leurs maisons. Ils ont construit des rallonges, des terrasses, des étages par dessus, autour de leurs petites habitations, puis des terrasses desquelles on peut maintenant entendre le bruit tonitruant provenant des enceintes sans fil, les beaux soirs d’été. Les vieux sont morts, un à un. Les jeunes sont partis parce que les loyers coûtaient maintenant trop chers.
Ma voisine immédiate l’année où elle a acheté a abattu un arbre centenaire pour faire suffisamment de place pour une piscine creusée dans sa cour. Il n’y a plus de cour, simplement une piscine creusée à 15 pieds de ma fenêtre de chambre et son moteur qui roule de mai à octobre (inclusivement) tous les jours de l’année. Les effluves de chlore et les milliers de litres d’eau rejetée dans l’aqueduc, on en parle même pas. J’ai renoncé à l’idée d’aller relaxer dans mon hamac à l’extérieur les jours de chaleur. À l’époque j’avais tenté de faire évaluer le niveau de bruit par un inspecteur de la ville. Comme ils étaient deux (pour tout le territoire) et qu’un de ces deux là prend ses vacances l’été, le liste d’attente était très longue…
Il y a aussi les thermopompes qui gênent; assurant la fraîcheur l’été et la chaleur l’hiver. Ces nouveau propriétaires ont impérativement besoin de confort (au prix où ils paient leurs taudis), puisque dans une zone si densément peuplée et bétonnée, l’air devient rapidement irrespirable, alors ils s’installent des climatiseurs, ferment leur fenêtres et ne comprennent pas que le bruit en général peut déranger.
Et il y a les castor bricoleurs; ceux qui font du bureau la semaine et ont besoin de «gosser» pour se détendre les samedi et dimanche matin. Surtout les dimanches matin. Comme ils doivent travailler tout le temps, ils ne sont jamais chez eux pour cause de devoir payer une maison ou un condo à un prix devenu ahurissant.
L’autre matin (vers début juillet), une BMW s’est stationnée dans la zone des vignettes. Ce qui n’est pas exceptionnel en soi puisque maintenant nous avons des Mini Cooper, des Mercedes, des V.U.S.…Le nouveau propriétaire-voisin sud est arrivé : un Français (je ne sais ce qu’ils viennent découvrir du Québec sur le plateau (et à Mtl en général) puisque des Québécois il n’en a guère plus par ici, on se croirait plutôt dans une réplique de république Française…mais bon c’est un autre sujet en soi). Disons simplement que les Français en général ont de belles qualités, ils font des enfants, nous ont amené le bon pain, le goût des fromages, du vin et les épiceries fines…Mais revenons à mon nouveau voisin; sans se donner la peine de se présenter à nous, il a débuté des travaux de démolition et tout arraché dans le duplex. Il y a deux ans, une famille Canadienne avait effectuée les mêmes travaux, à l’époque ça avait pris quatre mois, ils avaient tout «reconstruit» à partir de la charpente mise à nu. Résultat? Ça fait des semaines et des semaines que ça dure. Ça pioche, ça tape, ça sacre, ça pisse dans la cour, ça scie et ça compresse (comme dans; ostie de moteur de compresseur à marde qui part le bal à 6h50 am et qui roule jusqu’à 16 heures).
Sans compter le merveilleux projet à quelques maisons plus bas. Ils ont tout démoli et gardé l’ossature et la façade (un truc extrêmement moche, d’aucun intérêt patrimonial). Alors ils tournent autour de ce maigre squelette depuis le 1er juillet. J’appelle cela de la rénovation à la mitaine. Au lieu de tout démolir et de reconstruire en solide sur des bases appropriées on déshabille pour construire par-dessus des structures bancales. C’est la façon de faire répandue sur le plateau. Vous me direz qu’est-ce que ça peut bien foutre?
C’est que, tous les matins pendant des semaines, nous nous réveillons au son du va et vient des camions qui reculent à une vitesse époustouflante dans la ruelle, arrachant la végétation au passage et rasant les chats, les écureuils et les enfants qui voudraient s’y trouver. Ils déposent containers, matériaux, échafaudages…Alors parfois, oui, je l’avoue, je souhaiterais que ces travaux ne durent pas aussi longtemps…Il paraît que nous en avons pour huit mois…
Et les chats, - l’avez vous remarqué ? - ont fait place aux chiens. Le propriétaire, pour une raison que j’ignore, possède en général un chien, plutôt qu’un chat. Cette bête autrement adorable fait comme son maître : elle jappe. Ce n’est pas dans sa nature particulière de le faire, elle a été élevée pour cela; défendre son territoire. Et comme c’est un des quartier, sinon le quartier le plus densément peuplé au Canada, les occasions d’envahissement sont fréquentes.
Ça, c’est pour le volet shift de jour. Pour le volet shift de nuit, on a le merveilleux stade McGill que l’on entend très précisément puisque des promoteurs brillants ont eu l’idée d’ériger des estrades. Il faut voir la hauteur de ces structures qui dépassent largement en hauteur les édifices environnants pour comprendre comment le bruit des hurlements de la foule peut percuter la montagne et rebondir dans les parages…Et nous entendons également les tours de machine qui proviennent du grand prix. Ces engins fort performants polluent non seulement l’air mais l’atmosphère. Mais bon, nous pouvons nous délecter des mille festivals dont l’animation nous parvient les beaux soirs d’été. Tintamarres et fêtards se donnent rendez-vous pour nous permettre de profiter d’activités épatantes auxquelles autrement nous n’aurions pas assisté.
C’est de la même façon que nous nous pouvons nous farcir vers les 3heures du mat, les délires des petits groupes complètement saouls qui sortent des restos et des bars, ils errent dans les rues tentant de retrouver leur bagnoles en riant à gorge déployée. Je ne suis pas contre le fait d’avoir du plaisir mais un peu de respect pour les résidents serait apprécié. Quand on fait le choix de ne pas avoir de climatiseur les soirs de canicule et que les cris provenant de la rue nous réveillent systématiquement c’est désagréable.
Oui, nous pourrions fuir, comme la plupart de nos voisins. Ils vont passer les w.e. à la campagne, au chalet ou à la mer. Mais nous n’avons pas les moyens de le faire. Savez-vous combien de gens ne peuvent quitter la ville (ou ne sont carrément jamais sortis de la ville) l’été et prendre des vraies vacances dignes de ce nom? Nous sommes plusieurs et nous gardons le silence.
Sans compter le fait que j’ai «la chance» de ne pas habiter en tant que tel près d’une artère commerciale alors je suis épargnée des bruits de camion de livraison dont les moteurs tournent à vide et des éclats de voix des fumeurs qui n’ont d’autre choix que de pomper l’air à l’extérieur…
Notre tolérance au bruit oui, forcément baisse, proportionnellement à l’exposition. Ce n’est pas que nous sommes contre le progrès ou le changement mais tout de même, peut-on admettre une fois pour toutes qu’il y a un sérieux problème. Les clés de la ville sont données aux promoteurs, aux constructeurs, aux spéculateurs, et il y a des conséquences à cela. Résumer la question en affirmant candidement que les bruits provenant des usines et des clochers d’églises s’est estompé (ce qui est, de plus, totalement faux) fait preuve d’ignorance et de désinvolture complètement déconnectées de la réalité.
Dans ces quartiers, la clientèle change. Les besoins changent et les modes de vie changent. Mais est-ce vraiment pour le mieux? Le livreur à vélo a fait place au p'tit gars qui vient pousser les feuilles mortes avec son engin dément. La balançoire a cédé l'espace à la piscine et le hululement de la corde à linge a été remplacé par la thermopompe. C'est le mode de vie 450 version compressée, comprimée. Chacun a ses bébèlles.
Vue la promiscuité, le nombre de mes voisins potentiellement dérangeants s’élève à au moins 20 à l’arrière et 20 à l’avant. Quarante personnes qui vivent les unes par dessus les autres augmente évidemment les chances de se nuire mutuellement.
En attendant, je prends mon mal en patience et je rêve du jour où je pourrai enfin avoir les moyens de déserter à mon tour ces environs qui deviennent chaque jour de plus en plus invivables. Pour aller où? Je ne sais pas, mais chose certaine, je mettrai préférablement des acres entre moi et le voisin le plus proche, au moins statistiquement, j’aurai une chance sur deux de ne pas tomber sur un moron.